Roger C. Elobo, Mon Blog

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19 mars 2011

L'emprunt obligataire du Cameroun


Mes réserves !

A la bourse de Douala, le ministre camerounais, chargé du budget, a lancé appel public à l'épargne. Par l'occasion, il a de son point de vue présenté tout l'intérêt de cette cotation. Les journaux de la place (par exemple, ici) ont repris ses propos sans nuance. Les universitaires sont restés silencieux. Pourtant, il y aurait à en dire.

Les obligations sont une modalité courante de financement des investissements. Ses avantages présentés par le ministre et repris par la presse sont recevables. Mais, ils ne peuvent être pertinents que si, au même moment, il était présenté, quelques unes des réserves que cette option soulève. J'en propose quatre pistes ici, sans y mettre toute la rigueur analytique que demanderait un article scientifique.

1) La destination des fonds.

L'Etat Cameroun emprunte pour un objet précis. Les fonds collectés doivent donc avoir une destination que le système devrait garantir. Dans un cadre plus exigeant, lorsque qu'une ligne de crédit est  ouverte, les fonds sont débloqués au fur et à mesure que les projets prévus sont exécutés et validés. Dans le cas présent, la seule autorité qui pourrait contrôler l'affection de ces fonds est le parlement. Or, au Cameroun, le pouvoir du parlement comme contrôleur de l'exécution du budget reste encore à démontrer pour rester poli !

2) La conditionnalité

Par cet appel direct à l'épargne public, les autorités camerounaises échappent aux conditions imposées par les bailleurs lorsqu'ils accordent leurs concours. Il s'agit notamment de la transparence, la bonne gestion, la rigueur, etc. Or ces contraintes participent à l'instauration des règles de la bonne gouvernance, de la démocratie et au bout de la prospérité économique. L'appel aux bailleurs est une sorte de manifeste de bonne foi quant à l'adoption de bonnes pratiques. Leur contournement suscite de la suspicion.

3) L'effet d'éviction

Les fonds prélevés par les autorités publics sont assez élevés et ne peuvent que faire défaut aux opérateurs privés dont la vocation principale est d'animer le jeu économique. La fonction principale des agents privés est de créer les richesses et celles de l'Etat, d'assurer le bon fonctionnement du système. L'épargne locale, principalement dans un pays comme le Cameroun, a donc vocation à servir financer le secteur privé du simple fait que l'Etat dispose d'autres moyens pour collecter des fonds pour financer ses projets de développement.

4) Les taux d'intérêt

Les obligations d'Etat, sont des titres sans risque (ou à risque négligeable). Par conséquent ils servent de base pour évaluer la prime de risque. Pour attirer les capitaux, l'Etat propose des taux de rémunération relativement élevé. Par conséquent, sur des opérations risquées, si on prend en compte la prime de risque, l'exigence des opérateurs en termes de retour sur investissement ne peut être qu'élevée. Si un titre rapporte  7% ou même 5% sans risque, au Cameroun,  combien devrait rapporter, pour être intéressant, une prise de participation dans une entreprise de la place, par exemple ?   

Conclusion (provisoire)

La culture du débat doit s'installer au Cameroun.  Le débat doit être ouvert et démocratique surtout lorsque pour de jeunes Etats, les conséquences sur toute l'économie ne sont pas négligeables. Il reste vrai aussi, que l'appel au l'épargne public est une sorte de référendum en la croyance que l'Etat qui la sollicite, est et restera solvable. Malgré les inconvénients, cette modalité de financement peut trouver là, sa motivation cachée et inavouée : tester l'adhésion des épargnants au système…

C'est là que s'arrêterait mes compétences !

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