Roger C. Elobo, Mon Blog

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29 juin 2007

Journaliste ? Où est le journaliste

Quand j’y croyais !

Alors que j’étais encore en Afrique dans les années 80, j’avais pour références le Journaliste français. La parole d’un journaliste français était la vérité. Une révélation sur le fonctionnement du régime politique de mon pays ou même d’un pays du continent n’était pas discutable. Elle l’était d’autant moins qu’une telle information mettait visiblement le pouvoir dans embarras.

Pour mon information, je passais des heures à chercher sur mon transistor à ondes courtes, une fréquence des radios françaises. Un régal lorsque à 19h Radio France Internationale (RFI) nous diffusait aux dépaysés français d’Afrique, le journal de France Inter. J’avais ainsi appris à connaître Patrice Bertin et bien d’autres tel que Jean Luc Hees alors correspondant aux Etats-Unis. En suivant ainsi France Inter, à la différence de mes jeunes camarades, je vivais et je pratiquais les heures d’été et les heures d’Hivers puisque le journal de Patrice Bertin s’en trouvait décalé d’une heure après ce changement d’heure. Pour rien au monde je ne pouvais manquer « le téléphone sonne » qui suivait le journal de France inter et surtout le débat des éditorialistes du « Vendredi soir ».

Cette liberté de ton ! Ce courage !

En ce temps là en Afrique, nous n’avions que le parti unique, une radio nationale et officielle, un quotidien national de presse écrite, un ministère de l’information, des journalistes fonctionnaires et de quoi mourir par étouffement.

Comme tout cela me paraît bien loin maintenant après 20 ans de séjour en France.

Devant mes yeux j’ai vu se réaliser la déliquescence d’une profession ou d’une illusion. Je découvre plutôt que le journaliste français est plus un peureux, sans culture. Les faiblesses de cette profession sont à la fois structurelles et individuelles.

Structurellement, les pouvoirs occultes contrôlent le système. L'indépendance des organes de presses n'est que fictive. La subordination des organes d'information aux pouvoirs politiques, financiers et industriels est manifeste. Malgré les proclamations, les intérêts de ces pouvoirs sont incompatibles avec la liberté d'expression des journalistes. Pour brider leurs velléités à assurer leur mission d'informer, le système adopte des moyens insidieux qui ont cours aussi bien dans l'audiovisuel que dans la presse écrite : non publication d'articles ; déplacement des émissions sur des tranches horaires à faible audience potentielle ; suppression des émissions de la grille ; présentation des informations de façon déstructurée pour ne pas faciliter leur mémorisation ; transformation du journal télévisé en magazine sans information autre que des faits divers ; juxtaposition de nouvelles d'importance quelconque avec des faits majeurs pour en relativiser l'importance ; mise au placard des journalistes ; licenciement ; etc.

La responsabilité individuelle des journalistes dans cette nouvelle forme de censure n'est pas négligeable. Les journalistes se livrent eux-mêmes à la pratique de l'autocensure. La profession dispose d'une clause de conscience qui n'est pratiquement jamais évoqué. En 20 ans, j'ai vu une poignée de journalistes claquer la porte de leur organe : Philippe Alexandre, alors éditorialiste politique à RTL parce qu'il considérait que sa liberté de parole était menacée par la politique de sa radio ; Bernard Guetta qui démissionna de l'Express (?) pratiquement pour des raisons ; peut-être y en a-t-il encore par-ci, par-là, mais la pratique n'est pas courante.

Pire encore, la solidarité qui devrait constituer une force de résistance est quasiment absente. Les journalistes sont bafoués et contrés quasiment dans l'indifférence générale de la profession. Bizarrement, lorsqu'un des leurs se trouvent en difficulté, d'autres lui tombent dessus comme pour dire, "tu l'as bien cherché". L'exemple de Jean Marc Morandini de Europe 1 et de Direct 8 vis-à-vis de Daniel Schneiderman de France 5 dont la suppression de l'émission "Arrêt sur image" et le licenciement pour "faute grave" viennent d'être signifiés en est une illustration parfaite. L'exercice est quelque peu pathétique. Il est ainsi loin, le cas de la démission de Jean-François Khan par solidarité à Alain Duhamel mis en difficulté à la télévision publique au moment du premier règne socialiste en 1981. Le lynchage par les confrères est aussi frustrant que de voir une force indigène maintenir l'ordre au profit d'une puissance occupante.


Heureusement que tout espoir n'est pas perdu !


Aujourd'hui, j'ai plutôt la conviction que les journalistes sont en Afrique et qu'ils réapparaissent sur le champ du web où la liberté et l'audace sont en devenir.

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